Comment sécuriser une opération d'essaimage ?
L'essaimage est une opération complexe qui implique la création d'une entreprise nouvelle. Sa réussite repose sur la qualité des liens tissés entre les différents intervenants : l'entreprise "essaimante", le créateur et les investisseurs extérieurs.
L'essaimage est souvent présenté comme la création d'une entreprise par une ou plusieurs personnes qui ont quitté leur entreprise ou centre de recherche d'origine, avec l'existence d'un lien formel ou d'influence entre ces deux entités.
On distingue souvent trois types d'essaimage :
- l'essaimage spontané : il correspond au départ d'un salarié qui crée son entreprise indépendamment de toute politique d'essaimage menée par son entreprise ou centre de recherche d'origine.
- l'essaimage social : il s'agit pour l'entreprise "essaimante" de compenser ses réductions d'emplois par une contribution à la création d'entreprises voisines. Il y a donc de la part de l'entreprise essaimante une véritable incitation auprès de certains de ses salariés à quitter leur entreprise d'origine pour créer leur société.
- l'essaimage stratégique : il s'agit de la création d'une entreprise nouvelle sur la base d'une technologie dont le développement a été initié dans l'entreprise essaimante ou le centre de recherche. Dans ce cas, ce sont les travaux de recherche conduits par l'entreprise essaimante qui suscitent des vocations d'entrepreneurs de la part de chercheurs motivés par leurs propres travaux. De son coté, l'entreprise essaimante a opéré des choix qui la conduisent à ne pas développer cette technologie en interne.
Le schéma classique d'une opération d'essaimage stratégique au sein d'un organisme de recherche
Chaque organisme de recherche dispose de sa propre organisation pour transférer ses technologies dans le cadre de ces opérations. Toutefois, on remarque une certaine convergence vers un schéma type qui fait intervenir trois entités :
- une première entité dite de valorisation est chargée de valoriser et de céder la technologie à la société essaimée.
- la société essaimée acquiert cette technologie au moyen de fonds apportés en capital par une deuxième entité dite de portage qui devient détentrice d'une participation dans la société essaimée. La dotation en capital de la société essaimée se fait à hauteur du prix d'acquisition ou de concession de la technologie.
- une troisième entité, dite de financement, dote en capital la société essaimée afin de financer l'activité et son développement.
L'entité de valorisation et l'entité de portage sont partie intégrante de l'organisme de recherche.
En revanche, l'entité de financement est extérieure à l'organisme de recherche et peut être constituée notamment par une société de capital-risque.
Ce schéma est bien adapté à ce type d'opération dans la mesure où il permet de dissocier le financement de l'acquisition de la technologie et le financement de l'activité de la société essaimée.
Les relations juridiques entre les différents intervenants
Après avoir choisi la forme sociétaire la mieux adaptée, il convient de rédiger une convention d'investissement et un pacte d'actionnaires organisant les relations entre les actionnaires porteurs du projet, l'entreprise essaimante ou l'organisme de recherche et la société de capital-risque.
La convention d'investissement est signée entre les fondateurs de la société et les investisseurs, à savoir l'entité de portage et la société de capital-risque, et régit les rapports entre les parties jusqu'à la réalisation effective de l'investissement.
Aux termes de ce document, les investisseurs s'engagent à souscrire un certain nombre de titres lors de la prochaine augmentation de capital, sous réserve de la réalisation de certaines conditions.
De son coté, le pacte d'actionnaires vise à organiser les relations entre les détenteurs du capital de la société. A l'origine, ce document était destiné à organiser les relations entre actionnaires et investisseurs. Il a aujourd'hui une vocation complémentaire qui est celle d'organiser les relations des investisseurs entre eux notamment entre la structure de portage et la société de capital-risque, et de constituer une sorte de mode d'emploi des relations contractuelles. On trouve régulièrement deux grandes familles de clauses : les clauses relatives à l'organisation et au contrôle de la gestion de la société d'une part, et les clauses relatives à la composition et l'évolution de l'actionnariat d'autre part.
Assurer la continuité des travaux de recherche : le contrat cadre de collaboration
Généralement, les sociétés issues d'opérations d'essaimage n'entrent pas d'emblée dans une phase d'industrialisation de leurs produits. Le plus souvent, ces produits ne sont pas suffisamment aboutis pour être commercialisés. C'est pourquoi ces sociétés continuent leurs travaux de recherche appliquée et s'assurent le soutien, soit de l'organisme de recherche dont elles sont issues, soit de partenaires industriels par le biais d'un contrat cadre de collaboration établi sur sur une durée pluriannuelle.
Ce document prévoit les modalités de communication des informations, la propriété des résultats des recherches, l'exploitation de ces résultats, les moyens matériels et humains mis à disposition, les règles d'accès aux ressources de l'organisme de recherche ou du partenaire industriel, et le coût du programme global.
Les points essentiels à vérifier lors d'un transfert de technologies au bénéfice d'une entreprise essaimée
Les transferts de technologies peuvent se faire par la transmission de savoir-faire, d'informations ou de brevet.
Dans le cas d'un brevet, certaines structures accordent des licences exclusives ou non-exclusives sur les brevets au bénéfice des entreprises essaimées. Ces accords de licence sont plus ou moins précis et élaborés.
Certains organismes prévoient systématiquement un accord de licence pour une durée déterminée, avec une faculté d'option d'achat à un terme donné sous réserve de la réalisation de certaines conditions. Le prix de cession peut être fixé à l'avance. En tout état de cause, ce prix doit être déterminé ou du moins déterminable. Cette pratique de licence avec option d'achat permet à l'organisme de recherche de protéger sa technologie contre les procédures de redressement ou de liquidation judiciaire susceptibles de survenir dans les premières années de la vie de la société. En cas de défaillance la société, le contrat de licence prend fin et la propriété du brevet reste acquise à l'organisme de recherche. En pratique, il est extrêmement rare que le brevet relatif à la technologie développée soit cédé directement dès la création de l'entreprise essaimée.
Lors de la conclusion des accords de licence, plusieurs points doivent être vérifiés :
les droits accordés à l'entreprise essaimée titulaire de la licence (droit d'exploitation, droit de commercialisation, etc.). Un audit des droits concédés doit donc être réalisé préalablement à toute opération.
la négociation d'une exclusivité sur le brevet apparaît comme primordiale.
Il convient aussi de prévoir qui doit intervenir dans le cas où une action en contrefaçon est intentée à l'encontre de la société titulaire de la licence. La défense des droits sur le brevet peut s'avérer particulièrement coûteuse d'autant plus que les délais de procédure sont très longs concernant ce type d'action.
Après sa création, l'entreprise essaimée peut-elle continuer à bénéficier de travaux de recherche extérieurs ?
De nombreux travaux de recherche restent actuellement inutilisés par les laboratoires. Ils pourraient être exploités par des sociétés matures afin de renforcer leur activité et leur développement.
La valorisation de ces travaux de recherche, en partenariat avec des entreprises matures, nécessite une meilleure circulation et fluidité de l'information entre les chercheurs et le monde industriel. Les responsables de valorisation au sein des organismes de recherche ont un rôle prééminent à jouer.
© Frédéric Mascré - septembre 2003